Vers une esthétique nosocomiale : précédents et perspectives pour les pratiques d’art en milieux de soins

TAMAR TEMBECK

En Europe et en Amérique du Nord, nous témoignons d’une attention grandissante à l’importance de l’environnement bâti dans les contextes de soins de la santé. Des initiatives de « healthy design » s’intègrent de plus en plus à la planification des hôpitaux, dans une vision cohérente à celle de la définition de la santé établie pas l’OMS, selon laquelle le bien-être social et culturel s’ajoutent à « l’absence de maladie ou d’infirmité ». Les politiques du pourcentage pour l’art sont parmi les initiatives qui permettent à ce qu’un budget soit alloué pour l’intégration de l’art à l’architecture hospitalière, pour la commande d’œuvres in situ, ou parfois même, pour des résidences d’artistes. Après un survol historique retraçant la présence de l’art à l’hôpital, je me pencherai pour cette communication sur des exemples de pratiques artistiques contemporaines développées dans et pour des milieux de soins. Je propose que ces pratiques participent à l’émergence de ce que je nomme une « esthétique nosocomiale » — esthétique qui se veut propre au milieu hospitalier, par exemple, mais qui est aussi directement nourrie par l’aisthesis des milieux de soins. Les pratiques artistiques qui en découlent sont adaptées aux environnements de soins et répondent à leurs exigences particulières, ainsi qu’aux besoins variés des personnes qui y séjournent, qu’il s’agisse des patients, des proches-aidants ou des professionnels. Bien que les politiques culturelles et les pratiques d’art dont il sera question dans cette communication n’ont pas de visées proprement thérapeutiques, l’élaboration d’une « esthétique nosocomiale » s’enligne avec les propositions du healthy design : dans les deux cas, les milieux de soins ne sont pas perçus comme des lieux de passage qui se veulent détachés du reste de l’expérience humaine; bien au contraire, ils sont reconnus comme étant des milieux de vie, aussi fragile soit-elle.

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